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Rapport d'activités

 

Ecole Pratique des Hautes Etudes - IVe Section (Paris)

 
 

HISTOIRE DES SCIENCES DANS L'INDE

Rapport sur les conférences de l'année 1996-1997

Guy MAZARS


Programme de l'année 1996-1997 : I. Modes de vie et santé selon l'Âyurveda. - II. Un traité médical médiéval : la Sârngadharasamhitâ, les premier et troisième lundis de seize à dix-huit heures.

I. Modes de vie et santé selon l'Âyurveda

La première conférence de cette année a été consacrée aux enseignements des anciens textes médicaux sanskrits relatifs à l'influence des modes de vie sur la santé. Aujourd'hui, une nouvelle méthode, l'épidémio-anthropologie, permet, à partir d'une observation rigoureuse des comportements sociaux et en particulier alimentaires, de déceler les facteurs responsables de certaines maladies. L'idée même que les maladies puissent être favorisées par le mode de vie n'est pas nouvelle. Dès l'Antiquité, des médecins en ont eu l'intuition. Il était déjà clair, pour les médecins de l'Inde ancienne, que certains individus présentaient un "terrain" plus favorable que d'autres au développement d'une maladie. Cela les a conduit à des notions de prévention et même de prédiction des maladies. En effet, d'après la doctrine classique de l'Âyurveda, les maladies traduisent des dysfonctionnements des principes vitaux résultant:
1) de prédispositions innées, selon un biotypologie basée sur des critères constitutifs et psychologiques;
2) de facteurs extérieurs déclenchants dépendant du milieu écologique;
3) de comportements individuels susceptibles de favoriser le ou les facteur(s) déclenchant(s).
Dans les textes médicaux sanskrits, les perturbations des fonctions vitales sont rapportées à des causes appelées nidâna qui ont été recherchées principalement dans le comportement du malade, ses habitudes alimentaires, compte tenu des circonstances extérieures, climatiques ou accidentelles. Des causes déclenchantes, en particulier celles de maladies considérées comme sévères et souvent incurables, ont même été recherchées dans les mauvaises actions au cours des "vies antérieures", conformément aux conceptions indiennes du karman d'après lesquelles les actes, ainsi que les pensées et les désirs accumulés au cours des existences antérieures, laissent des traces qui vont déterminer les tendances innées de chaque individu. Les effets des mauvaises tendances dans une existence antérieure se traduisent dans un nouvel organisme en le gâtant. A priori incompatible avec de telles croyances, la doctrine savante de l'Âyurveda s'en est pourtant accommodée et s'en est même servie pour expliquer certains phénomènes ou l'incapacité des médecins à comprendre des affections d'étiologie inconnue et à les traiter efficacement. Ainsi, le karman est évoqué par les textes médicaux pour expliquer des malformations congénitales, l'hermaphrodisme, l'impuissance ou la stérilité. Un certain nombre de signes observés sur un enfant à sa naissance sont aussi attribués à l'influence du karman et pourront se traduire ultérieurement par des maux incurables ou difficiles à guérir. Mais ce sont les écarts alimentaires qui sont le plus souvent incriminés dans la production des maladies. C'est pourquoi l'enseignement médical de l'Âyurveda accorde une si grande importance à la façon de s'alimenter.

II. Un traité médical médiéval : la Sârngadharasamhitâ

Les plus anciens traités médicaux sanskrits parvenus jusqu'à nous, la Carakasamhitâ et la Susrutasamhitâ, constituent aujourd'hui encore le point de départ des études âyurvédiques. Mais pour l'usage pratique, ils ont été remplacés au cours des siècles par des manuels reprenant ou complétant leurs enseignements de façon plus systématique. L'un de ces manuels, la Sârngadharasamhitâ, vraisemblablement composé au début du XIVe siècle, tout en se référant aux doctrines anciennes, enseigne des méthodes thérapeutiques qui sont encore pratiquées de nos jours. La conférence a été consacrée à l'étude des bases théoriques et des pratiques de la médecine âyurvédique exposées dans ce manuel. Cet enseignement s'adressait à des auditeurs ayant déjà une connaissance des conceptions âyurvédiques et auxquels cette étude de la Sârngadharasamhitâ a apporté un éclairage sur la mise en pratique de ces conceptions. Le texte suivi a été celui de l'édition avec traduction anglaise publiée par K.R. Srikanta Murthy (Varanasi, Delhi, Chaukhambha Orientalia, 1984). Ont également été consultées l'édition de Bénarès (1855), celle de Calcutta (1874) et celle de Parasurâma Sâstrî accompagnée de deux commentaires (Bombay, 1920). Après avoir situé ce texte dans l'histoire de la littérature médicale sanskrite et présenté le sommaire détaillé, nous sommes passés à l'examen de son contenu. La Sârngadharasamhitâ se présente non pas comme un traité général d'Âyurveda comparable à la Carakasamhitâ, par exemple, mais plutôt comme un aide-mémoire, destiné à des utilisateurs auxquels il ne fournit que des matériaux d'un usage immédiat. Ecrit en un langage simple et compréhensible, il comporte 32 chapitres répartis en trois "sections". Ont été successivement traduits et expliqués cette année les chapitres de la première section relatifs à l'anatomie et à la physiologie, au métabolisme et à la constitution, aux maladies et aux méthodes de diagnostic et de pronostic, en soulignant les nouveautés par rapport à la littérature médicale antérieure. Par exemple, de tous les textes d'Âyurveda parvenus jusqu'à nous, la Sârngadharasamhitâ est le premier à décrire l'examen du pouls (nâdîparîksâ) comme méthode de diagnostic. C'est par une discussion sur cette méthode que nous avons terminé le programme de l'année.

Une quinzaine d'élèves, étudiants et auditeurs ont assisté à ces conférences. Huit ont pris une part très active aux échanges etaux discussions : M. Pierre Baratchegaray, le Dr. Alain Bottéro, Mme Clotilde Bornhauser, M. Farid Jabry, le Dr. Jean-Claude Rey et Mme Françoise de Valence, ainsi que M. Pascal Chazot, avant son départ en Inde, et Mme Monique Vandenabeele, lorsqu'elle a pu se joindre à l'auditoire. M. Jean-Michel Delire a continué ses recherches sur les débuts de la géométrie en Inde d'après les Sulbasûtras et leurs commentaires. Grâce à une bourse du Ministère de la Communauté française de Belgique il a pu effectuer un nouveau voyage d'étude en Inde, d'octobre 1996 à avril 1997. Au cours de ce séjour, il a poursuivi ses investigations dans plusieurs instituts et bibliothèques, notamment à Mysore, Pondichéry, Madras et Poona, et participé à des réunions scientifiques où il a rencontré d'autres historiens des sciences.

Activités et publications du Chargé de conférences

Le 21 septembre 1996, le Chargé de conférences a été invité à animer une conférence-débat sur "L'histoire du corps idéal" dans le cadre de la Formation médicale continue du Bas-Rhin à Strasbourg.- Le 15 octobre, il a participé à l'émission "Les chemins de la connaissance", diffusée par France-Culture, sur le thème : A la croisée des médecines.- Le 18 octobre, il a apporté sa collaboration à un cycle de conférences organisé par l'Institut de Droit canonique de l'Université des Sciences Humaines de Strasbourg et l'Equipe du CNRS "Société, Droit et Religion en Europe". Il y a spécialement traité de "La secte dans les religions orientales".- Le 5 février 1997, à l'invitation de la Société Philomathique d'Alsace et de Lorraine (Strasbourg), ila donné une conférence sur "Les plantes médicinales de l'Inde, histoire, actualité et perspectives".- Le 8 mars, il a participé à une rencontre autour de la civilisation khmère à la FNAC de Strasbourg, où il a été interrogé sur la médecine traditionnelle dans l'ancien Cambodge, à l'occasion de l'exposition "Angkor, dix siècles d'art khmer" (Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 2 février-26 mai). - Le 11 avril, il a fait un exposé sur "Les médecines indiennes" dans le cadre des enseignements de culture générale de l'Institut Commercial de Nancy. - Le 11 mai, à l'invitation du Conseil de l'Europe, il a ouvert les travaux du Symposium sur "la coopération avec les pays d'Europe centrale et orientale dans le domaine de la jeunesse" (Strasbourg, 11 -16 Mai1997) avec une conférence intitulée "Géopolitique de l'Europe centrale et orientale : Quelques éléments de réflexion".- Le 2juin, il a participé au séminaire de Mme Marie-Henriette QUET, à la IVe section de l'EPHE, où il a parlé des rêves d'après les anciens textes médicaux sanskrits. - Pendant toute l'année, le Chargé de conférences a poursuivi ses activités dans le cadre duCentre Européen d'Histoire de la Médecine à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, où jusqu'à la fin décembre 1996, il a aussi continué d'animer l'équipe "Histoire des sciences orientales" au sein de l'ER 94 (Fondements des sciences) du CNRS,dont le rapport d'activité (1995-1996) a été présenté en janvier1997. Il a aussi inauguré un enseignement d'ethnomédecine destiné aux étudiants de licence et de maîtrise d'ethnologie, à l'Université des Sciences Humaines de Strasbourg.

Au cours de l'année 1996-1997, le Chargé de conférences a publié plusieurs comptes rendus d'ouvrages et une contribution intitulée "Les maladies infantiles dans l'Inde ancienne", dans Enfances, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1997 (Collection Asie, IV), p. 255-266. Il a aussi été invité à rédiger le chapitre "Âyurveda" du manuel "Grundlagen der Ethnomedizin", Neckarsulm, Natura Med Verlagsgesellschaft (à paraître).



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