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Rapport d'activités

 

Ecole Pratique des Hautes Etudes - IVe Section (Paris)

 
 

HISTOIRE DES SCIENCES DANS L'INDE

Rapport sur les conférences de l'année 1995-1996

Guy MAZARS


Programme de l'année 1995-1996 : I. Savants et médecins européens en Inde (XVIIe - XVIIIe siècles). - II. Dieux, démons et maladies dans le monde indo-iranien, les premier et troisième lundis de seize à dix-huit heures.

I. Savants et médecins européens en Inde (XVIIe - XVIIIesiècles)

Pour la première conférence, nous avions choisi de nous intéresser cette année aux savants et médecins européens ayant séjourné en Inde aux XVIIe et XVIIIe siècles. Après un exposé introductif ont été passés en revue quelques-uns des astronomes, géographes, naturalistes et médecins européens qui ont oeuvré en diverses régions de l'Inde au cours de ces deux siècles. Certains étaient des missionnaires érudits qui nous ont laissé des relations non dénuées d'intérêt sur les savoirs indigènes de leur époque, comme le Père Papin dont on possède deux lettres instructives, l'une datée de décembre 1709 sur l'état des arts au Bengale, l'autre, de 1711, sur la manière d'exercer la médecine dans l'Inde. Dans cette dernière, le Père Papin mentionne des recettes et décrit des pratiques de la médecine traditionnelle qui sont encore en usage de nos jours. A partir du XVIIIe siècle, savants et médecins européens sont plus nombreux en Inde et la documentation ne manque pas, notamment en ce qui concerne la diffusion de la médecine européenne et la connaissance des médecines indigènes. Comme l'ont souligné plusieurs auteurs, les premiers médecins européens furent surtout des chirurgiens navigants venus avec les navires de commerce et détachés à terre. Nous savons par différentes sources que certains de ces praticiens avaient si mauvaise réputation ou étaient si peu efficaces que les Européens eux-mêmes préféraient se faire soigner par des thérapeutes indigènes. Il faut attendre la dernière moitié du XVIIIe siècle pour que le recrutement s'améliore. C'est à cette époque qu'apparaissent des médecins militaires. Ainsi, à côté des médecins et des chirurgiens de l'East India Company interviennent, dès 1784, des officiers de santé de l'armée britannique. Parmi les documents français conservés figurent des rapports d'autopsies. Ces rapports présentent un double intérêt. D'une part, ils permettent de se faire une idée des connaissances et des capacités de leurs auteurs. D'autre part, ils nous renseignent sur les causes de décès suspects ou naturels dans l'Inde du XVIIIe siècle. Le nombre des médecins ne suffisant pas à leur tâche, il sera fait appel, très tôt, au concours d'auxiliaires indiens, souvent recrutés parmi les médecins traditionnels locaux, d'abord comme infirmiers puis comme médecins. Les troupes coloniales françaises en ont compté plusieurs dans leurs rangs. Loin d'avoir été épuisés, les différents sujets abordés ont donné lieu à des discussions fructueuses alimentées par les résultats des recherches de Mme de VALENCE et les interventions du Dr. REY.

II. Dieux, démons et maladies dans le monde indo-iranien

La seconde conférence a été consacrée à l'étude du rôle joué par des divinités et différentes entités surnaturelles dans les anciennes croyances indiennes et iraniennes relatives à la maladie. Dans les documents parvenus jusqu'à nous, dieux et démons apparaissent souvent comme des guérisseurs ou au contraire comme des agents de production des maladies. Parfois, ce sont ces maladies elles-mêmes qui sont assimilées à des démons. Les raisons qui passaient pour provoquer le châtiment divin ou l'intervention des démons découlent de conceptions communes à l'Inde et à l'Iran dans lesquelles la maladie est mise en rapport étroit avec le péché. C'est pourquoi les pratiques magiques occupent une place importante dans les méthodes thérapeutiques évoquées par le Veda et l'Avesta. Elles consistent souvent en rites d'essuyage destinés à effacer la faute qui passait pour être à l'origine du mal. Les concordances entre les deux traditions ne s'expliquent pas forcément par l'existence d'une doctrine médicale commune aux Indo-Européens, comme E. Benveniste en avait émis l'hypothèse en 1945. Dans sa thèse publiée en 1949, J. Filliozat estimait que "tout ce qui est commun aux Indiens et aux Iraniens de la période historique ne remonte pas nécessairement à la communauté indo-iranienne. Les deux peuples ont pu séparément emprunter les mêmes notions à un troisième peuple ou encore et surtout l'un peut avoir communiqué à l'autre certaines de ses acquisitions propres". On rencontre des conceptions similaires chez les Mésopotamiens dont les relations avec les peuples du plateau iranien et du sous-continent indien sont bien antérieures à l'arrivée des Aryens. En ce qui concerne le rôle médical des divinités et de différentes entités bienfaisantes ou maléfiques, les tablettes mésopotamiennes nous en offrent de multiples exemples. Les traités d'"exorcismes" parvenus jusqu'à nous et étudiés par J. Bottéro livrent une prodigieuse quantité de recettes et d'invocations contre tous les maux qui pouvaient accabler les hommes. Comme plus tard dans les documents indiens d'époque védique, beaucoup étaient associés à des péchés et attribués à l'"intervention" ou la "saisie" de dieux et de déesses, à des démons ou à d'autres agents surnaturels. De telles croyances se rencontrent à diverses époques en différents points de la planète où elles sont encore largement répandues.

Sur les douze élèves, étudiants et auditeurs inscrits cette année, sept ont pris une part active aux conférences auxquelles ils ont assisté : M. Jean-Michel DELIRE (Chercheur à l'Université Libre de Bruxelles), M. Bertrand DROUINEAU, M. Farid JABRY, le Dr. Jean-Claude REY, le Dr. Sigand ROOS, M. Luc SORDON, enfin Mme Françoise de VALENCE qui a effectué un nouveau séjour en Inde, en février 1996, pour compléter sa documentation.

Activités et publications du Chargé de conférences

Le 23 juin 1995, le Chargé de conférences a été invité à participer à une émission de Radio Arc-en-ciel, à Strasbourg, sur le thème "Le journalisme en question : de l'information à la désinformation". - Le 11 juillet, il a accordé un entretien à Radio Judaïca (Strasbourg), dans le cadre de l'émission"Communauté plurielle" à l'occasion de la parution de La médecine indienne (Paris, PUF, 1995). - Il a donné une conférence sur"Geopolitics of nationalisms in Europe" et animé un atelier sur"la désinformation et la manipulation" dans le cadre de la Second Summer University of Cosmopolis "Europe facing the challenge of nationalism", qui s'est tenue au Parlement Européen de Strasbourg du 17 au 28 juillet.- Il a réalisé une exposition didactique sur la médecine indienne qui a été présentée au Centre Culturel Français de Turin (novembre-décembre 1995) et au Centre des Congrès de Gênes (mai-juin 1996). A l'occasion de l'inauguration de cette exposition, le 24 novembre 1995, il a donné une conférence sur le même thème au Centre Culturel Français de Turin.- Il a de nouveau été invité à aborder ces différents sujets sur Radio Judaïca, le mardi 2 janvier 1996. - En février et mars 1996, il a donné une série de six conférences sur les médecines traditionnelles à l'Institut Européen d'Ecologie de Metz. - Le 14 mai, invité de la rédaction de Radio Judaïca, il a été interrogé sur les Etats Généraux de l'Université.- Le jeudi23 mai, à l'invitation de l'ADFI (Association pour la Défense des Familles et de l'Individu), il a animé une conférence-débat sur le thème "Sectes, médecines et religions". - Il a été co-organisateur de la 1ère Conférence Internationale d'Anthropologie et d'Histoire de la santé et des maladies et du 3ème Colloque Européen d'Ethnopharmacologie qui se sont déroulés au Centre des Congrès de Gênes (Italie), du 29 mai au 2 juin1996, et qui ont réuni environ 500 participants d'une soixantaine de pays. Il y a donné une conférence sur "Dieux, démons et maladies dans le monde indo-iranien", présidé un atelier"rencontres entre médecines" et co-présidé la séance de clôture. A l'occasion de ce congrès, il a été élu Président de la Société Européenne d'Ethnopharmacologie par les représentants des différents organismes européens affiliés à cette Société. Il a en même temps été confirmé comme l'un des principaux animateurs du Réseau Européen d'Histoire et d'Anthropologie de la Santé.- Tout au long de l'année, dans le cadre de ses fonctions de Secrétaire Général du Centre Européen d'Histoire de la Médecine à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg, le Chargé de conférences a continué d'œuvrer en faveur du développement de la coopération internationale dans ce domaine. Il a aussi continué d'animer l'équipe "Histoire des sciences orientales" au sein de l'ER 94 (Fondements des sciences) du CNRS et a entamé une collaboration avec le Groupement de Recherche 1035 du CNRS "Structures des populations humaines, comportements culturels et conséquences pathologiques".

Au cours de l'année 1995-1996, le Chargé de conférences a publié:une Interview dans le dossier "la médecine âyurvédique", L'Impatient n° 215, octobre 1995, p. 23-24.- Regards sur la médecine indienne traditionnelle (Catalogue d'exposition), Turin, Centre Culturel Français, 1995, 8 p. - "Le origini storiche, filosofiche e mitologiche dell'Âyurveda", Domani n° 116, 1996, p.48-51. - "La vérité de l'information ? De la déformation de l'information à la désinformation", dans Les pouvoirs de l'image (éd. Christian Nardin), Strasbourg, Lycée International, 1996, p.91-99. - Il a co-édité les Actes du Deuxième colloque européen d'Ethnopharmacologie et de la Onzième conférence internationale d'Ethnomédecine publiés sous le titre : Médicaments et aliments, Paris, Editions de l'ORSTOM, 1996, xviii-418 pages, où se trouve sa contribution : "Les aliments dans la thérapeutique âyurvédique", p. 11-17.



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